Elena avait désiré Jonas au premier regard. Elle n’avait pas eu à battre beaucoup des cils pour le mettre dans son lit. Sa plus grande surprise n’avait pas été de le voir se glisser entre ses cuisses, mais de le voir s’installer dans sa vie. Jonas n’était pas homme à se laisser harponner. Il aimait sentir le grand air s’engouffrer dans ses voiles. Jonas était marin, il était libre. Et pourtant, Elena lui avait mis le grappin dessus. Quelques mois seulement après leur première nuit d’amour, ils avaient eu envie de s’unir.

S’il n’avait pas été son premier amant, il était celui dont elle se disait qu’il était un prolongement d’elle- même. Faire l’amour avec lui était une évidence. À croire qu’une force plus puissante qu’eux les avait créés pour qu’ils s’imbriquent l’un dans l’autre. Jonas disait de sa femme qu’elle avait un corps fait pour l’amour, et les mois avaient passé sans que leur désir s’émousse.

Si Jonas aimait prendre la mer, Elena souffrait de ces nuits de solitude passées sous une couette dont les plumes ne parvenaient jamais à la réchauffer. Alors, chaque retour au port était une fête. Le couple baissait les volets pour ne pas les relever pendant deux jours entiers. Elena s’emparait de Jonas dès qu’il franchissait le seuil de la maison. Elle aimait le goût du sel marin sur sa peau. Qui serait passé par là n’aurait entendu que gémissements et soupirs. Mais personne ne serait hasardé à venir les déranger.

L’avantage des séparations, c’est l’intensité des retrouvailles. Néanmoins, Elena se languissait. Son homme s’absentait des semaines entières, et ses doigts ne lui suffisaient plus. Jonas fut même forcé de constater que sa jeune épouse se laissait dépérir. Elle souriait moins, ses cheveux semblaient plus ternes, sa peau moins fraîche : en résumé, l’absence de sexe la fanait. Il avait beau se triturer les méninges, il ne pouvait ni changer de métier ni se résoudre à la savoir malheureuse.

Ce matin-là, alors qu’il venait de l’étreindre des heures durant, Jonas ne parvint pas à trouver le sommeil. Il repartait le lendemain pour trois mois. Il passait plus de temps en mer qu’auprès de sa femme.Tu n’es pas pleinement heureuse, Elena, je le sens, lui chuchota-t-il tandis que ses mains effleuraient le creux de ses reins.

— Je le suis quand tu es là. Mais le vent te porte si souvent loin de moi.

— Je m’en veux de te savoir seule et affamée… je comprendrais si tu voulais me quitter.

— Juste par manque de sexe ? Quel genre de femme serais-je si j’agissais ainsi ? répondit-elle dans un souffle.

— Tu serais simplement une femme qui a besoin d’un homme dans son lit. Ce ne serait pas si étrange que cela. Et personne n’aurait le droit de te blâmer pour cela.

— Tu ne t’en plains jamais, toi, ajouta-t-elle.

Jonas n’était pas de ces marins qui avaient une femme dans chaque port. Il n’avait plus faim que d’Elena et se sentait prêt à l’attendre.

— Certes, mais tu n’es pas moi, insista-t-il. Peut- être qu’avec un autre…

— Jamais sans toi… le coupa la jeune femme. N’insiste pas.

Jonas se leva d’un bond. Il s’approcha de la fenêtre, releva les volets afin de faire rentrer l’air frais dans leur chambre. Il n’aurait su dire s’il faisait vraiment chaud ou s’il étouffait de devoir repartir.

Elena le rejoignit, elle colla ses seins contre lui décidée à raviver le désir de son homme. Il en sentit immédiatement la pointe dans son dos, il frissonna. Plutôt que penser à l’abstinence qui les attendait, elle décida de profiter de ce que la nuit avait encore à leur offrir. Elle commença par lui masser les épaules, doucement d’abord, puis plus fort. Elle voulait qu’il sente sa peau chauffer. Quand elle perçut qu’il se détendait sous ses caresses, elle commença à mordre la peau de ses omoplates. Elle sentit sa surprise, et à la morsure succédèrent d’habiles coups de langue. Elle alterna ainsi jusqu’à sentir la chair de poule envahir le dos de son partenaire. Quand il voulut se retourner, elle l’en empêcha, le plaquant doucement mais fermement contre la vitre froide. Elle continua à faire glisser sa langue dans le dos de Jonas, s’agenouilla et embrassa ses fesses tout en les palpant.

Au râle qu’il poussa, elle sut que le désir était à son comble. Elle le laissa enfin se retourner, mais resta à genoux, contemplant d’abord le sexe tendu vers elle. Elle l’enserra dans sa main, fit glisser doucement la peau d’avant en arrière, le regardant d’un air mutin. Quand elle vit une goutte perler, elle y passa douce- ment la langue. Il frissonna encore. Elle usa alors de sa langue pour parcourir chaque centimètre de son membre en érection, à l’affût des sensations de son amant. Elle n’aimait rien tant que ce moment où son mec s’abandonnait totalement à elle, où, bien qu’à genoux, elle le dominait presque. Après l’avoir léché, titillé, elle le prit franchement dans sa bouche, le suça goulûment jusqu’à le faire jouir.

Ainsi comblé, il l’emporta de ses bras puissants jusque dans leur lit, où, ce soir-là, il n’utilisa que sa bouche et ses mains pour la mener jusqu’à l’orgasme. C’est repus l’un de l’autre qu’ils s’endormirent enfin.

Les mois passèrent dans un ballet de départs et de retrouvailles, de nuits fiévreuses et de matins plus mornes. Jonas voguait toujours de mer en mer, était trop souvent loin de son port d’attache, mais Elena ne se plaignait plus de l’absence de son marin de mari. Elle avait même retrouvé bonne mine et joie de vivre.

— Elle n’a pas l’air de trop se languir de son homme, chuchotait-on parfois dans son sillage.

Mais les commérages ne l’intéressaient pas, elle vaquait à de nouvelles occupations.

Un soir comme les autres, elle entendit un léger grattement au volet : le signal qu’on patientait dans l’ombre. Elle ne se pressa pas, elle aimait faire attendre. Elle vérifia son image dans le miroir du couloir : ses cheveux étaient ébouriffés comme il fallait. Elle se mordit les lèvres pour les rendre plus pulpeuses. Elle était prête.

Elle avait décidé ce soir-là de recevoir nue, seulement parée du rayon de lune qui s’engouffrait par une petite lucarne. Elle se savait belle et désirable, elle se réjouissait du cadeau qu’elle lui ferait ce soir-là.

Elle ouvrit la porte à un homme de belle carrure. Décidément, elle avait eu de la chance jusqu’alors. Encore un beau spécimen. Elle avait certes renseigné de manière exigeante la fiche sur le site de rencontres spécialisé auquel elle était inscrite. Mais elle était toujours surprise de la facilité avec laquelle elle ramenait de tels mâles dans ses filets.

Quelques mois auparavant, elle était tombée sur une affiche publicitaire gigantesque et avait ainsi découvert Gleeden. Les gens baissaient les yeux ou exprimaient leur mécontentement. Comment pouvait-on tolérer de telles choses dans les rues ? Elle avait beaucoup ri de leurs slogans impertinents. Notamment de l’un d’eux :

« Et si cette année, vous trompiez votre amant avec votre mari ? »

Elle avait poursuivi son chemin, le sourire aux lèvres. Mais tel le ver dans le fruit, l’idée avait fait son chemin.

La première fois qu’elle avait fait entrer un homme dans sa maison, elle avait éprouvé le sentiment cuisant de trahir Jonas. Elle avait d’ailleurs failli renoncer. Désormais, elle prenait plaisir à ces rencontres fortuites. Elle suivait une règle à laquelle elle ne dérogeait pas : une seule nuit avec chacun d’eux. Seulement du sexe, très peu de mots. Mais surtout aucun sentiment.

Elle fit un sourire à son invité pour la soirée, l’invita à entrer. Elle vit dans les yeux de l’homme qu’il était agréablement surpris d’un tel accueil. Elle posa un doigt sur la bouche de l’inconnu, le condamnant au silence. Elle ferma la porte derrière eux, le prit par la main, l’entraîna doucement à sa suite. Elle marchait lentement, faisant onduler ses hanches à chaque pas, consciente du désir que la vue de ses fesses devait provoquer.

Il la suivit docilement jusque dans la chambre. La pièce était jolie, doucement éclairée. Elle ne le laissa cependant pas s’attarder sur les détails de la décoration ni sur les voilages qui donnaient à la pièce un côté mystérieux et désuet à la fois. Elle prit les mains de l’homme, les plaqua sur ses seins.

— Touche-moi, ordonna-t-elle à mi-voix, levant les bras au-dessus de sa tête afin de sublimer ce corps qu’elle offrait.

Il empoigna ses seins à deux mains avec fougue. Ils étaient ronds et fermes. Il lui pinça les tétons, lui arrachant un premier gémissement. Quand il y posa les lèvres, puis les mordilla, elle gémit plus fort. Elle se colla à son nouvel amant, elle ne pouvait ignorer qu’il bandait. Elle fit sauter un à un les boutons de son jean, pressée de découvrir ce qui s’y cachait. Elle fit tomber successivement pantalon et boxer, libérant un sexe épais et tendu qu’elle considéra avec beaucoup d’envie.

Il la fit s’assoir et s’agenouilla entre ses cuisses. Elle le guida de l’autre côté du lit, puis le laissa enfouir sa langue au plus profond de son intimité. Quel délice que cette bouche d’homme qui n’avait proféré aucun mot et qui allait assurément la mener à l’orgasme. Elle se pencha en arrière, cambra les reins, ouvrit les cuisses, littéralement offerte. Il recula pour profiter du spec- tacle de la jolie chatte tout humide. Il lui enfonça deux doigts, commença à masser la face intérieure du vagin. Le plaisir d’Elena commençait à monter. Sans arrêter le mouvement de ses doigts, il lécha généreusement le clitoris de la jeune femme, qui ne tentait plus de retenir ses cris de plaisir. Il accéléra le frétillement de sa langue, titilla du bout, faisant monter davantage l’excitation. Puis il recommença à la lécher du plat de sa langue tout en reprenant le mouvement de ses deux doigts, de manière plus appuyée. Elena était trempée : elle jouit puissamment.

Elle le coucha ensuite sur le dos, à un endroit du lit qu’elle lui avait expressément indiqué, et fit glisser un préservatif le long de sa verge. Elle se mit à califourchon et elle s’empala sur lui. Ses hanches allaient et venaient, son sexe trempé glissait contre celui de l’homme. Néanmoins, elle ne le regardait pas. Soit elle fermait les yeux, soit elle fixait un point au loin. La rencontre avait beau être terriblement excitante, quel plaisir tout de même d’être reçu par une femme délicieuse en tenue d’Ève, l’homme avait l’impression de n’être qu’un objet sexuel entre les mains de son amante.

— Tu aimes ça, dis ? demanda-t-elle.

— Oh oui, j’adore, répondit l’inconnu, surpris qu’elle s’adresse enfin à lui.

— Tu vois tout ce que je fais pour nous… ajouta- t-elle sans cesser de chevaucher son partenaire.

— Euh, oui… bredouilla ce dernier, se sentant étrangement de trop.

Elle se retira, puis lui demanda de se placer derrière elle. Elle se mit à quatre pattes, tourna la tête dans sa direction, cambra les reins afin de rendre encore plus claire son invitation. Il se plaça derrière elle, la pénétra sauvagement. Elena s’appliquait à le rendre fou de désir. Et elle le faisait bien. Elle sentait le sexe de l’inconnu au plus profond d’elle ; il ne la ménageait pas, et elle aimait ça. À chaque coup de reins, le bassin de l’homme cognait contre ses fesses. Quand il lui appliqua une première claque sur la fesse, le plaisir s’empara d’elle. À la deuxième, elle se laissa aller à jouir carrément. Elle aimait se donner ainsi en spectacle.

— Prends-moi fort maintenant. Fais-nous plaisir !

Il accéléra la cadence, heureux de posséder une femme si libérée et si belle. La photo de mariage qu’il apercevait sur ta table de nuit ne l’empêcha pas…

quelques secondes plus tard, il jouissait à son tour. Elena ne lui laissa pas le temps de se reposer. Elle avait beaucoup aimé, mais elle ne le retenait pas. Elle se levait tôt le lendemain. Il avait passé un excellent moment et espérait la revoir.

— Tu n’as qu’à laisser ton numéro sur ma table de nuit. Qui sait…

Elle le raccompagna jusqu’à la porte d’entrée, le poussa presque dehors, referma la porte, soulagée.

Impatiente, elle courut jusqu’à la chambre, récupéra le petit papier qu’elle jeta sans un regard dans une corbeille. Elle ne le rappellerait pas plus que les précédents. Elle se jeta sur son lit, s’allongea sur le ventre. Elle envoya un baiser en direction d’une sorte de petit œil noir : une caméra. Elle ralluma l’écran d’un ordinateur, à peine caché par un des voilages. Un visage souriant y apparut.

— Tu as été merveilleuse cette fois encore, mon ange, lui dit Jonas.

— C’est vrai, tu as aimé ?

— Plus que tu imagines, ma douce. Tu es si belle quand tu jouis.

— Et dans quelques jours, tu seras là. Jamais sans toi, Jonas…

Elle lui envoya un baiser et coupa la connexion. Dans son lit, il y aurait certes plusieurs hommes, mais dans son cœur, il n’y aurait jamais que lui.